mardi 11 décembre 2007

Le blues ça veut dire que je t'aime

Ce soir j'ai envie de pleurer. Mais les larmes ne viennent pas. J'ai envie de ne pas y penser. Mais je ne pense qu'à ça. Je viens juste de réaliser et ça me fait un mal de chien. Un an. Un an et toujours la même peine, la même rage, les mêmes questions qui trottent dans ma tête, les mêmes peurs, les mêmes doutes.
Et pourtant tellement de choses ont changé en une année. J'ai raté mon CAPES, redoublé pour la première fois de ma vie. L'un d'entre nous s'est marié, ça n'était pas arrivé depuis 17 ans. On a fait une grande fête et on a beaucoup pensé à toi. Un autre a promis de le faire, chez nous, dans notre fief, bientôt. Un bébé va venir, une nouvelle génération, un nouvel avenir.
J'ai été publiée aussi. J'ai fini une chose dont tu aurais pû être fier et je n'ai même pas eu le temps de te le dire. Je t'ai dédicacé pour l'éternité ce morceau important de ma vie. Parce que tu y joue un rôle essentiel. Tu partage cet ouvrage avec un autre, l'Autre qui est parti lui aussi, bien avant toi, avec la même douleur. J'espère que tu ne m'en voudras pas. Encore une question dont je n'aurai jamais la réponse. Sais-tu qu'en écrivant, je me demandais quels acteurs seraient les mieux appropriés pour jouer nos rôles si un jour on me demandait de transformer cette histoire en film ? Pour toi, j'avais un imaginé un grand parmis les grands... Lui aussi est parti cette année. Il s'est envolé de la cage aux folles pour te rejoindre. Il n'y aura jamais de film. En y réfléchissant, il y en a beaucoup de grands du cinéma qui sont devenus des étoiles cette année : Jean-Pierre Cassel, Michel Serrault, Jean-Claude Brialy. Te souviens-tu que Papa a joué avec lui ? Un officier allemand face à Arsène Lupin. On a trouvé le film en dvd sur une brocante. Je cite les grands du cinéma en priant pour que la liste ne s'allongent pas trop, pas trop tôt, mais il y en a d'autres, qui méritent autant d'être cités : Lucie Aubrac qui jusqu'au bout est allée raconter la guerre dans les lycées sans faire l'apologie des résistants, simplement pour raconter sans fioritures son histoire s'imbriquant dans cette grande Histoire qui me tient tant à coeur ; Luciano Pavarotti ; l'abbé Pierre ; le mine Marceau et Jacques Martin, prince de la télévision en son temps.
Ca y est, c'est passé. J'ai versé quelques larmes mais je n'ai plus envie de pleurer. J'ai juste envie de me souvenir avec ce petit sourire nostalgique. Me souvenir de ta générosité, de tes colères, de tes manières un peu bourrues qui ne cachaient pas l'amour que tu nous portait à tous. Me souvenir de ces surnoms que tu nous donnais : La belle-en-cuisse, Marguerite... C'est toujours ma fleur préférée.
Je n'ai pas osé te dire que j'avais rencontré quelqu'un. Que cet homme est merveilleux et qu'il me rend heureuse. Comme toi, il a ses défauts et comme les tiens, je les aime parce qu'ils ne gâchent en rien ce qu'il est. Il est séduisant, me fait rire. Il est présent et à l'écoute. J'aurai voulu te le présenter. J'aime imaginer qu'il t'aurait plu.
Je suis contente malgré tout, parce que nous sommes tous en bonne santé, que nous allons fêter noël ensemble. Et tu seras là. Quelque part dans la pièce, dans les mémoires, dans l'étoile en haut du sapin peut-être. Tu trôneras comme d'habitude, tu surplomberas la pièce et capteras tous les éclats de rires, les blagues, les cris de joie et de surprise des petits devant l'ombre du Père Noël et les cadeaux dont les papiers d'emballage vont voler haut encore et finir par mettre un bordel monstre dans la pièce. Tu voudras encore manger des fruits de mer alors que ton diabète te l'interdit. Tu tiendras tête à tes enfants qui te le rappeleront et tu cèderas devant les suppliques d'un petit enfant qui est presque aussi tétu que toi.
J'ai envie de t'écrire pour la première fois, je crois, ce que je n'ai pas osé te dire il y a un an. Parce que tu étais si mal et que tu n'aurais probablement pas aimé : je t'aime. J'ai préféré alors te transmettre les mots de ceux qui ne viendraient pas plutôt que de prononcer les miens. Je ne regrette rien. Tu n'aurais pas aimé que je te dise ça. Tu n'avais pas besoin de l'entendre. On n'a jamais eu vraiment besoin de se le dire dans la famille, de simples regards suffisaient.

1 commentaire:

Une fille qui se prend pour la fée clochette a dit…

malgré la douleur et la nostalgie que je ressens dans ce texte, j'ai envie de sourire.. sourire à l'amour d'une petite-fille envers son grand-père..