mardi 10 juin 2008

La stratégie de l’échec

Ne rêvez pas, je suis comme les grands cuisiniers, je ne donne jamais mes recettes. Et celle-ci encore moins que les autres. Parce qu’après tout, pourquoi toujours vouloir réussir. C’est tellement désuet ! Regardez l’équipe de France de foot hier, ils ont bien réussi dans cette optique…
Bref, pourquoi suis-je une pro de la stratégie de l’échec ? J’avoue ne pas le savoir moi-même. Peut-être suis-je une fille perdue à l’instar des garçons perdus qui peuplent le Pays Imaginaire. Ceux-là ne veulent pas grandir. Peut-être est-ce inconsciemment mon cas. Je dis bien inconsciemment parce que consciemment, je vous rassure j’ai envie d’évoluer et surtout de ne pas régresser. Oui mais voilà, y’a un truc qui cloche. Alors je me dis que peut-être que ce n’est pas mon inconscient qui travail pour moi mais une poisse tenace qui s’accroche à mes baskets avec un plaisir sournois. Notez bien : l’an dernier, j’ai raté l’admissibilité au capes d’un demi-point et j’ai perdu mon grand-père. Déjà ça c’est pas mal. Cette année, qui devait être la bonne, c’est pire : j’ai raté largement l’agrégation (mais en y allant les mains dans les poches donc ça, je m’y attendais et c’est pas très grave en soi), raté encore l’admissibilité au capes pour trois points (c’est rageant, je sais), ai subit un vol avec agression en allant à la fac (je savais bien que c’était dangereux de traîner dans des endroits pareils !) et pour couronner la série, je me suis faite recalée du permis de conduire la semaine dernière. Le tout en un mois s’il vous plait !
Pour information le permis est une vaste blague, très injuste pour ceux qui ne vivent pas à la campagne. Et il l’est encore moins quand on s’appelle Ziboux. Jugez plutôt.
Il y a quatre ans, je tentais pour la première fois l’obtention du fameux papier rose à la photo très drôle quand on la regarde quelques années après. J’étais préparée à le passer sur un centre d’examen où on m’avait (comme à tous les élèves) fait repérer tous les pièges plusieurs fois. Tout devait bien se passer. Sauf que la veille du jour fatidique, le directeur de l’auto-école m’appelle pour me faire prendre deux heures en catastrophe : l’examen aura lieu sur un autre centre où je n’ai jamais conduit. Evidemment, c’est tombé sur moi et bien entendu, on ne m’a pas accordé le graal.
Qu’à cela ne tienne, quatre mois plus tard, me revoilà présentée. Le 1er avril (et c’était pas de la rigolade !). Tout devait très bien se passer selon le moniteur. Oui mais voilà, ce jour-là très précisément, c’était le bordel sur le centre d’examen pour cause de jour de marché. Ce passage-là était vraiment une bonne farce parce qu’à peine installée au volant, j’ai vu de mes propres yeux l’examinateur cocher la case « recalée » sur le papier jaune. Inutile de dire dans quel état d’esprit on tourne la clé de contact après cela.
Dégoutée à mort par ce système qui n’accepte aucune ristourne que la voie préétablie auto-école charlatan/examen pipé, je laisse quatre ans passer pour effacer ma peine. Après tout, j’habite dans un pays civilisé où la voiture n’est pas indispensable pour avoir une vie sociale.
Pleine de bonne intention, persuadée d’être plus forte que jamais, je suis allée confiante me réinscrire en juillet dernier. Le code se passe sans problème, quant à l’obtention d’une date d’examen pratique, vous connaissez déjà toute l’histoire. Jeudi dernier donc, je me suis présentée pour la troisième fois de ma vie devant une inspectrice qui subissait très probablement l’attaque de l’armée rouge pour la semaine, je ne vois que ça comme explication. En deux minutes, j’ai été recalée une fois de plus pour une faute que je n’allais pas commettre : une priorité à droite dont j’avais vu la voiture arriver au loin et dont j’avais entamé le freinage quand l’inspectrice a jugé utile d’appuyer plus fort que moi sur les pédales (j’ai eu le temps de dire trois fois Y avant que la voiture ne passe devant moi, comme quoi sa notion de l’urgence et de la mienne étaient sensiblement différentes). Elle a mis les pieds sur une commande, c’est terminé d’office mais j’ai encore une demi-heure à tirer de mon calvaire. Evidemment, j’ai eu le droit à la zone en travaux, à tous les cons du quartier qui me collaient au cul, faisant fi du panneau « auto-école » sur le toit de mon véhicule et devinez le plus beau… La zone du marché. Oui m’sieur-dame, encore ! La zone du marché où les inspecteurs ne t’emmènent jamais selon le moniteur (réponse donnée le matin même), peuplée de tous les suicidaires de la ville traversant n’importe où et n’importe quand. Mais les piétons, ce n’est pas ce qui m’a posé problème. Non. J’ai commencé à voir rouge quand dans une minuscule rue à sens unique, l’inspectrice m’a demandé de faire un créneau. Manœuvre au passage que je n’avais jamais ratée en leçon mais qui là, vu la largeur de la rue, relevait de l’exploit et que compte tenu de mon état nerveux proche de l’explosion nucléaire, j’ai ratée. Je la soupçonne d’avoir fait exprès de me donner une manœuvre dans cette rue la sachant difficile afin d’avoir une raison définitive pour me recaler (la priorité à droite ne devait pas lui convenir). Là, pas de doute, c’est cuit de chez cuit. Mais vint la question qui tue, celle à laquelle je ne m’attendais absolument pas. En guise de vérification extérieure, l’inspectrice m’a demandé sur un ton très sec : « Faites-moi voir l’état du pare-brise. » J’ai beau tourner la question dans ma tête, revoir mentalement les pages du code sur les vérifications techniques, rien ne me vient sur une manipulation extérieure concernant l’état du pare-brise. Vraiment énervée, la blondasse me repose sa question : « faites-moi voir l’état du pare-brise ! » Dans un sursaut de culot, j’ose lui avouer que je ne comprends pas sa question, ce à quoi elle répond par la même phrase que celle qu’elle a dit précédemment : « l’état du pare-brise !!! » Il est là, je le vois devant moi mais je ne comprends pas plus. Elle insiste et par bonheur donne les précisions que j’attendais : « il est propre, il y a des impacts ? » Ah ! Mais c’est bien sûr, vérification technique extérieure mais aucune manipulation à faire ! Suis-je bête. Je réponds tout bien comme il faut et poliment (même si j’ai fortement envie de lui montrer l’état du pare-brise d’un peu plus près) ce qui me vaut tout de même un B dans la notation, pour n’avoir pas compris tout de suite sa question !
J’avais pas envie de raconter ce énième échec qui maintient ma vie en mode « stand by » mais à tout bien réfléchir, il vaut mieux l’écrire parce que dans trois semaines, je me rends à une méga réunion de famille. Réunion où personne n’oubliera de me poser cette question qui va me fâcher immanquablement. Alors puisque certains lisent ce blog, je les invite à faire circuler par téléphone arabe familiale la nouvelle : oui je suis toujours étudiante, toujours piétonne et j’emmerde quiconque trouvera bon de me juger. D'ailleurs au passage, je ne répondrai lors de cette sauterie à aucune question concernant mes échecs de l'année. Je n’accepterai aucune remarque désobligeante sur ma situation tanguesque dans la mesure où ceux qui en feront (et je sais très bien à quoi m’attendre) ont des enfants où ont eux-mêmes passé le permis dans un bled appelé Ploubec-lès-deux-Menhirs, peuplé d’un troquet et trois mobylettes où il n’y a pas de marché et où la route hors-agglomération se résume à une nationale dépourvue d’usagers limitée à 70km/h. Oui je suis fâchée. Fâchée contre moi-même mais aussi contre ces personnes qui considèrent les piétons comme des êtres incapables (pour ne pas dire cons) et qui de fait me mettent une pression dont ils n’ont pas conscience.
De toute façon je suis maudite avec les roues, je le sais depuis longtemps. J’ai bien réussi l’impossible : faire dérailler un vélo d’appartement !

2 commentaires:

Cyan a dit…

Je suis de tout coeur avec toi, et si je me permets de te dire que je comprends parfaitement ce que tu ressens, c'est parce que je ne peux pas être mieux placée pour le comprendre:
J'ai dû dépenser largement plus d'une cinquantaine d'heures de conduite avant qu'on daigne me faire passer une première fois l'examen.
Je l'ai ensuite raté trois fois de suite.
Lasse de ce manque de confiance en soi qui me fait perdre tous mes moyens à chaque passage à l'examen, je demande gentiment à passer en conduite accompagnée: on me le refuse en me disant que je n'ai pas le niveau, mon père et moi insistons en avançant l'argument qu'on m'a déjà fait passer trois fois l'examen, que donc si je suis trop dangereuse pour la conduite accompagnée (sans double commande donc), c'est un crime de me faire passer l'examen!
Rien à faire, on retire le dossier dans l'espoir de trouver vite une autre auto-école: le directeur s'est bien gardé de nous dire que c'est le parcours du combatant!!
Entretemps, je n'échappe pas non plus à LA question posée un nombre incalculable de fois, ne se doutant encore bêtement pas que, si je l'avais, ce foutu permis, ils seraient au courant, ça oui!!
Je finis par trouver, une année de répit, secrétaire adorable, tout se passe bien, je repasse l'exam pour la 4e fois, toujours à Paris, une semaine après les épreuves écrites du CRPE, à Lyon (je passe donc en plus ma vie dans les trains, et à stresser d'un exam à l'autre concours).
Recalée, toujours par sabotage inconscient: le syndrôme de Peter Pan, chez moi c'est une certitude!
Un mois après, je ne vois pas mon nom sur la liste d'admissibilité au CRPE, et je rempile pour un an, allez! C'est que la 1e fois... et j'espère la dernière!
Enfin, le pompom:
Picard qui m'appelle vendredi, alors que je suis en pleine recherche de job d'été: oui, on vous prend pour deux semaines, on vous rappelle demain pour l'emploi du temps (je commence lundi qui suit). Le lendemain, pas de rappel, je tente: Ah mais non, c'est pas ce qui était prévu, mon collègue s'est trompé, on recherche quelqu'un de déjà formé, il a oublié de vous demander si vous aviez déjà bossé chez nous! Désolé, merci d'être passée, au revoir!

Bon, je te rassure, heureusement, entretemps, le monop' où j'avais déjà bossé m'a rappelée lundi et me prend pour Août... Ouf!

Mais, CQFD: je comprends ton épreuve!!
Et courage, on ne peut pas avoir QUE de la poisse indéfiniment: la preuve, côté amour au moins, ça marche pour nous deux ;-)

3 Petites Notes de Musique... a dit…

oh les filles, ça craint!
Les histoires de permis c'est vrai que c'est scandaleux! ca coute les yeux de la tête et y'a bcp d'aléatoire. Moi je l'ai passé à la campagne et c'est vrai que c'est uen grande chance, mais c'est aussi profondément injuste.
BOn courage à vous, la vie s'arrête pas au permis! (même si c très chiant je le conçoit,- et accessoirement très cher)
bisous