vendredi 1 février 2008

La blague du mois

J’en ris encore ! "Rocard propose de payer les profs au mérite" ! C’était le plus gros des titres d’un torchon journaleux hier. Et la télé en a fait son chou gras toute la journée, aux infos. Comme c’est intéressant comme idée. Et v’là t-y pas qu’on monte en épingle un article qui fait à peine une demi page dudit journal et qui dit absolument pas ce que le titre racoleur mis en avant annonce. Oui, parce qu’il se trouve que j’ai accès au torchon de droite tous les soirs, gratos. Ce matin, je me suis donc astreinte à me salir un peu les mains pour vous, chers lecteurs et à lire l’objet du litige. Une vaste blague, croyez-moi.
Dans cette article tout riquiqui, on nous annonce qu’un "nouveau système de rémunération, ébauche d’une rémunération au mérite serait à l’étude et pourrait être présentée au printemps et concernerait les 800 000 enseignants français" Comme moi, vous avez noté l’utilisation du conditionnel présent, qui annonce d’emblée que c’est pas sûr du tout. Continuons.
Le rapport en question proposerait plusieurs mesures pour lutter contre la lassitude des enseignants. Il proposerait "d’en finir avec l’affectation systématique de jeunes fraîchement émoulus des IUFM dans les ZEP" (idée du siècle : ne pas dégoûter les jeunes dès le début), qu’ils reçoivent une prime de début de carrière parce que pauvres de nous, nous ne sommes payé que 1,3 fois le SMIC. Bien, voyons, une prime de combien ? Quelques centaines d’euros, probablement, puisque l’Etat est parait-il ruiné. Ok, qu’est-ce que va changer une prime aussi minime sur les premières années de salaire d’un jeune qui doit souvent se loger et quitter le cocon familial, si ce n’est déjà fait ? Bon, soit dit en passant, idée sympa mais pas franchement suffisante. Continuons.
"Le groupe de travail insiste sur une meilleure évaluation du travail des enseignants avec une augmentation du nombre des inspecteurs et un renforcement du rôle du chef d’établissement, gnagnagna, en finir avec une pratique des notes identiques pour tous" Ah, voilà qui est intéressant : plus de contrôle, plus de surveillance. Plus de flics, c’est vrai que c’est la règle du gouvernement, alors pourquoi ce rapport en dénoterait-il ? Vous observerez aussi qu’on évoque des notes identiques, sans remettre en cause le système de notation et en sous entendant une certaine complaisance dans le cercle très fermé de l’éducation. Que les inspecteurs soient souvent des anciens profs, qui connaissent leur métier et ses difficultés n’entre pas en compte. Ajoutons à cela que peut-être que si les notes d’évaluation des profs sont toutes entre 18 et 19,5, c’est peut-être parce qu’ils en chient, et je sais de quoi je parle, pour entrer dans l’éducation nationale et que donc, ils sont bons ? Non pas possible d’avoir un corps enseignant compétent ?
Oui, parce que j’ai trouvé en fouinant un peu sur M. Rocard qu’il a avoué il y a quelques temps au journal télé, alors qu’il remettait en question l’enseignement de l’économie au lycée : « Ma vérité à moi c’est que je n’y connais rien. Combien d’heure, quels types de classe, formation des professeurs. » !!! Qu’est-ce qu’il nous fait chier avec son rapport s’il n’y connaît rien ?
Dernier paragraphe de l’article : on va rémunérer les heures que les profs font en dehors de la présence des élèves (prépa des cours, correction des copies, conseils de classes qui finissent à des heures indues). Il était pas "en faillite" l’Etat y’a quelques mois dixit Trou-Fillon ? Il le trouve où l’argent pour payer des heures sup’ ? Ah oui c’est vrai, il taxe les malades…
Bon, voilà, l’article touche à sa fin. Y’a une interview de Rocard après où la seule phrase qui mérite d’être lue est "Il y a un demi-siècle, les enseignants étaient des aristocrates du savoir, aujourd’hui ce privilège a disparu, ils se sentent relégués au rang de cadres moyens." Mais qui a construit la réputation de feignasse des professeurs ? On se le demande !
Moi y’a pleins de questions qui me viennent à l’esprit quand je vois le titre de l’article et le contenu. Est-ce que le torchon n’essaye pas de foutre un peu plus la merde ?
Remarquez, le rapport prévu pour ce printemps n’est pas mal non plus. Rédigé par un mec qui n’y connaît rien qui plus est. Parce que les notes de l’administration, ils vont les baser sur quoi ? Les résultats des élèves, le calme des classes, la qualité du contenu enseigné, la pédagogie apprise sur le tas (oui, au fait, quand on passe les concours du CAPES, on ne doit au grand jamais parler pédagogie et le premier cours d’IUFM l’année suivante arrive à deux jours de la rentrée et porte sur "l’élaboration d’un cours") ? C’est pas déjà ce qu’ils notent ? Dans ce cas, quelle justice dans ce système ? Il est évident qu’il est bien plus difficile de faire cours dans une classe de collège de ZEP qu’à Louis le Grand ou même dans un collège de la Creuse. En plus ce ne sont pas les mêmes cours qui sont dispensés vu que dans certains établissements il s’agit plus de remplir le rôle éducatif des parents et de faire dans le social que de donner un savoir. Et qu’on ne vienne pas me dire que tenir une classe, n’est une question d’autorité. Non, pas du tout chers lecteurs, on peut avoir une classe avec qui ça coule tout seul et une autre dans laquelle le courant ne passe pas et qui donc se fait un plaisir de vous pourrir la vie. Rappelez-vous quand vous étiez jeune, que celui qui n’a jamais eu dans sa classe un fouteur de merde qui cherche à emmerder le prof me jette la première pierre. Et pourtant c’est la même personne qui enseigne ! Les humains sont comme ça, y’a des gens qu’on aime et d’autre pas. Et un professeur n’a pas le devoir d’aimer ses élèves mais de leur transmettre un savoir. Alors évaluer les profs selon ces critères (je vois pas tellement d’autres critères possibles) n’est-ce pas favoriser les profs qui ont moins d’élèves en classe genre le prof de latin qui atteint difficilement la trentaine de mioches sur ses bancs. Oulala, dur dur de tenir les 5 élèves de la classe ! En plus dans cet article, on englobe tous les enseignants. Erreur ! Un instituteur voit ses élèves tous les jours, un professeur quelques heures par semaines. Le temps pour s’imposer en tant qu’autorité n’est pas le même et ne simplifie pas la chose pour les professeurs.
Bref, un titre qui fait des vagues pour les élucubrations utopiques d’un mec qui ne sait probablement pas grand-chose sur les mystères de l’éducation nationale, écrit par un mec qui n'en sait pas plus à mon avis. Ca me fait doucement rire.

5 commentaires:

Une fille qui se prend pour la fée clochette a dit…

PROFESSEUR DES ECOLES!! rhalalala moi on m'a même barré le mot "instituteur" dans une copie l'année derniere et écrit "PE" au dessus :D
Et pour bosser en collège qu'est ce que jesuis bien d'accord sur le fait qu'à chaque classe le rapport est différent! Par contre pas d'accord sur le fait qu'un prof ne doit pas aimer ses élèves mais leur transmettre un savoir, car au contraire c'est un travail qui demande des relations humaines et donc un affectif et surtout "transmettre un savoir" ça n'est pas le cours magistral classique où on balance des infos, mais parfois le savoir c'est aussi la méthodo, le cours c'est aussi "apprendre à comprendre" "apprendre à trouver du plaisir" etc etc..
Ah et malgré le fait que les PE voient leurs élèves tous les jours, je ne suis pas persuadée que la prise d'autorité ait un quelconque rapport avec cela. Par exemple, un PE qui menace sans jamais mettre à execution ses sanctions a autant d'autorité qu'une huitre. Et puis le fait de ne pas voir toujours les mêmes têtes professorales, bah les élèves y sont plutôt contents à un certain age, comme au collège justement :)

Ziboux a dit…

Par "aimer" j'entendais "aimer comme ses enfants, ses amis, sa famille, avec un affectif fort et une complicité, une proximité importante".
Bien sûr qu'il faut aimer son métier et les gens avec qui tu travailles, mais cela ne doit pas engager tes sentiments propres, surtout que tu dois te blinder au cas où il leur prendrait l'envie de te balancer une vacherie suite par exemple à une punition balancée, très justifiable pour toi mais toujours très injuste pour eux.

Une fille qui se prend pour la fée clochette a dit…

Il faut gérer l'implication affective et le recul affectif lol. C'est un équilibre à trouver, qui prend du temps :)
Par contre, je suis tout à fait d'accord avec Pennac qui dit qu'un bon professeur c'est aussi une personne qui sorti de l'institution ou de ses prépas ou corrections de copies, c'est un prof qui laisse son boulot de côté et s'implique dans autre chose, parce que sinon c'est pétage de plombs assuré.

Anonyme a dit…

Note2be

3 Petites Notes de Musique... a dit…

juste pour dire qe j'ai tout lu l'autre jour (pff même pas le temps de laisser des comm sur les blogs, c'est quand même terrible!) et que moi aussi ça me fait doucement rire (avec un peu d'anxiété, de colère aussi)