Tous les ans, quand vient le jour anniversaire de la mort de Claude François, les médias nous rabâchent leur lot de souvenirs, d’images « qu’on n’a jamais vu » qu’on redécouvre pour la dix millième fois. On nous offre des portraits tantôt élogieux, tantôt plus critiques, rappelant les grands faits de la vie du mec : ses claudettes courtement vêtues, son moulin devenu mythique, ses colères et cette chanson d’amour écrite au bord d’une piscine pour France Gall. A chaque fois qu’elle tombe sur ce genre de reportage, ma mère lance un adage : « tout le monde se souvient de ce qu’il faisait le jour où il est mort. » Peut-être est-ce vrai. Le bonhomme était tellement aimé, tellement charismatique…
Moi j’en connais un autre de jour comme celui-là. Un jour qui a créé un tremblement de terre dans le cœur de notre pays tout entier. Un jour dont tout le monde se souvient, pour la simple raison que personne n’a pu passer à côté. Et quand bien même il y aurait une personne qui n’aurait pas adhéré au mouvement collectif, elle s’en souvient aussi justement parce qu’elle n’y était pas.
Il y a dix ans. Putain dix ans ! Un jour qu’on n’est pas prêt d’oublier. Parce que la liesse était totale, le pays autant que l’équipe jouait collectif. Ma mémoire se joue de moi. Mais je lutte pour ne pas oublier cet été de bonheur. J’avais regardé le premier match avec mon Papa dans le salon familial. Réjouie de la victoire prometteuse, j’avais raté les deux matchs suivants. Les vacances commençant, je m’en suis allée à Nantes vivre deux semaines avec mes cousines. Je me souviens d’avoir été acheté trois coupons de tissus : un bleu roi, un blanc pur et un rouge sang. Et mon oncle avait lâché une caisse bruyante dans le magasin, juste à côté de deux petites vieilles outrées. De ces trois étoffes, nous avons fait des drapeaux, malaxés d’anxiété devant le quart de final contre l’Italie. Et puis le ballon a frappé la transversale. Papy avait ressorti de son tiroir un drapeau français, un vrai, un vieux. Pour la demie, c’était des poupées vaudous faites à base de chaussettes de mon oncle. Une poupée croate qui a vécu l’enfer pendant 90 minutes et ensuite un brésilienne parce que ça ne pouvait être que le Brésil que l’on affronterait en finale.
Et est venu ce jour magique. Je m’en souviens aussi par bribes. Nous sommes revenus d’un mariage qui avait été célébré en Normandie. Dans le cortège de voitures qui se suivaient, nous avions affiché nos couleurs : les drapeaux des quarts sur les plages arrières, la photo officielle de l’équipe offerte par le journal local que nous avions acheté en nombreux exemplaires pour avoir chacun le nôtre sur le tableau de bord. Le long de la route, la France était à l’image de nos voitures : des supporters bleus-blancs-rouges par centaines, brandissant les coqs, les bannières, les écharpes. A l’approche du stade, les bouchons et l’angoisse : serons nous rendus pour la Marseillaise ? Oui ! Papa est le premier. Il allume la télé, met une cassette dans le magnétoscope et quitte la pièce. Il n’y reviendra qu’après le match. Nous sommes dix-huit, entassés dans le salon. Les fenêtres sont grandes ouvertes parce que la chaleur est étouffante. La poupée vaudou est en bonne place, martyrisée comme l’a été son homologue « croatienne ». Chacun a son chouchou dans l’équipe. Et puis il y a lui, le joueur d’intérêt collectif. Et c’est lui qui marque une fois puis deux. La famille exulte. Le voisin hurle à la fenêtre en face. Avant cela, nous ignorions la tête qu’avait ce voisin. Maman, bonne champenoise sort une bouteille à sabrer. Tonton F s’insurge : « rappelle-toi 1982 ! » et il séquestre la bouteille sous sa chaise. Jusqu’à la fin. Le troisième but et le coup de sifflet final. C’est fait. Le jour est inscrit dans les mémoires à jamais. On a tremblé, on a crié, on a pleuré mais surtout on a aimé.
Les images de ce mois magique encore plein la tête ; la larme à l’œil aussi il faut l’avouer, parce qu’on n’a pas une telle génération à chaque compétition et que rien n’a égalé encore ce jour dans la mémoire collective ; moi, j’ai juste envie de dire :
MERCI
Moi j’en connais un autre de jour comme celui-là. Un jour qui a créé un tremblement de terre dans le cœur de notre pays tout entier. Un jour dont tout le monde se souvient, pour la simple raison que personne n’a pu passer à côté. Et quand bien même il y aurait une personne qui n’aurait pas adhéré au mouvement collectif, elle s’en souvient aussi justement parce qu’elle n’y était pas.
Il y a dix ans. Putain dix ans ! Un jour qu’on n’est pas prêt d’oublier. Parce que la liesse était totale, le pays autant que l’équipe jouait collectif. Ma mémoire se joue de moi. Mais je lutte pour ne pas oublier cet été de bonheur. J’avais regardé le premier match avec mon Papa dans le salon familial. Réjouie de la victoire prometteuse, j’avais raté les deux matchs suivants. Les vacances commençant, je m’en suis allée à Nantes vivre deux semaines avec mes cousines. Je me souviens d’avoir été acheté trois coupons de tissus : un bleu roi, un blanc pur et un rouge sang. Et mon oncle avait lâché une caisse bruyante dans le magasin, juste à côté de deux petites vieilles outrées. De ces trois étoffes, nous avons fait des drapeaux, malaxés d’anxiété devant le quart de final contre l’Italie. Et puis le ballon a frappé la transversale. Papy avait ressorti de son tiroir un drapeau français, un vrai, un vieux. Pour la demie, c’était des poupées vaudous faites à base de chaussettes de mon oncle. Une poupée croate qui a vécu l’enfer pendant 90 minutes et ensuite un brésilienne parce que ça ne pouvait être que le Brésil que l’on affronterait en finale.
Et est venu ce jour magique. Je m’en souviens aussi par bribes. Nous sommes revenus d’un mariage qui avait été célébré en Normandie. Dans le cortège de voitures qui se suivaient, nous avions affiché nos couleurs : les drapeaux des quarts sur les plages arrières, la photo officielle de l’équipe offerte par le journal local que nous avions acheté en nombreux exemplaires pour avoir chacun le nôtre sur le tableau de bord. Le long de la route, la France était à l’image de nos voitures : des supporters bleus-blancs-rouges par centaines, brandissant les coqs, les bannières, les écharpes. A l’approche du stade, les bouchons et l’angoisse : serons nous rendus pour la Marseillaise ? Oui ! Papa est le premier. Il allume la télé, met une cassette dans le magnétoscope et quitte la pièce. Il n’y reviendra qu’après le match. Nous sommes dix-huit, entassés dans le salon. Les fenêtres sont grandes ouvertes parce que la chaleur est étouffante. La poupée vaudou est en bonne place, martyrisée comme l’a été son homologue « croatienne ». Chacun a son chouchou dans l’équipe. Et puis il y a lui, le joueur d’intérêt collectif. Et c’est lui qui marque une fois puis deux. La famille exulte. Le voisin hurle à la fenêtre en face. Avant cela, nous ignorions la tête qu’avait ce voisin. Maman, bonne champenoise sort une bouteille à sabrer. Tonton F s’insurge : « rappelle-toi 1982 ! » et il séquestre la bouteille sous sa chaise. Jusqu’à la fin. Le troisième but et le coup de sifflet final. C’est fait. Le jour est inscrit dans les mémoires à jamais. On a tremblé, on a crié, on a pleuré mais surtout on a aimé.
Les images de ce mois magique encore plein la tête ; la larme à l’œil aussi il faut l’avouer, parce qu’on n’a pas une telle génération à chaque compétition et que rien n’a égalé encore ce jour dans la mémoire collective ; moi, j’ai juste envie de dire :
MERCI