samedi 12 juillet 2008

Un soir d’été…

Tous les ans, quand vient le jour anniversaire de la mort de Claude François, les médias nous rabâchent leur lot de souvenirs, d’images « qu’on n’a jamais vu » qu’on redécouvre pour la dix millième fois. On nous offre des portraits tantôt élogieux, tantôt plus critiques, rappelant les grands faits de la vie du mec : ses claudettes courtement vêtues, son moulin devenu mythique, ses colères et cette chanson d’amour écrite au bord d’une piscine pour France Gall. A chaque fois qu’elle tombe sur ce genre de reportage, ma mère lance un adage : « tout le monde se souvient de ce qu’il faisait le jour où il est mort. » Peut-être est-ce vrai. Le bonhomme était tellement aimé, tellement charismatique…

Moi j’en connais un autre de jour comme celui-là. Un jour qui a créé un tremblement de terre dans le cœur de notre pays tout entier. Un jour dont tout le monde se souvient, pour la simple raison que personne n’a pu passer à côté. Et quand bien même il y aurait une personne qui n’aurait pas adhéré au mouvement collectif, elle s’en souvient aussi justement parce qu’elle n’y était pas.
Il y a dix ans. Putain dix ans ! Un jour qu’on n’est pas prêt d’oublier. Parce que la liesse était totale, le pays autant que l’équipe jouait collectif. Ma mémoire se joue de moi. Mais je lutte pour ne pas oublier cet été de bonheur. J’avais regardé le premier match avec mon Papa dans le salon familial. Réjouie de la victoire prometteuse, j’avais raté les deux matchs suivants. Les vacances commençant, je m’en suis allée à Nantes vivre deux semaines avec mes cousines. Je me souviens d’avoir été acheté trois coupons de tissus : un bleu roi, un blanc pur et un rouge sang. Et mon oncle avait lâché une caisse bruyante dans le magasin, juste à côté de deux petites vieilles outrées. De ces trois étoffes, nous avons fait des drapeaux, malaxés d’anxiété devant le quart de final contre l’Italie. Et puis le ballon a frappé la transversale. Papy avait ressorti de son tiroir un drapeau français, un vrai, un vieux. Pour la demie, c’était des poupées vaudous faites à base de chaussettes de mon oncle. Une poupée croate qui a vécu l’enfer pendant 90 minutes et ensuite un brésilienne parce que ça ne pouvait être que le Brésil que l’on affronterait en finale.
Et est venu ce jour magique. Je m’en souviens aussi par bribes. Nous sommes revenus d’un mariage qui avait été célébré en Normandie. Dans le cortège de voitures qui se suivaient, nous avions affiché nos couleurs : les drapeaux des quarts sur les plages arrières, la photo officielle de l’équipe offerte par le journal local que nous avions acheté en nombreux exemplaires pour avoir chacun le nôtre sur le tableau de bord. Le long de la route, la France était à l’image de nos voitures : des supporters bleus-blancs-rouges par centaines, brandissant les coqs, les bannières, les écharpes. A l’approche du stade, les bouchons et l’angoisse : serons nous rendus pour la Marseillaise ? Oui ! Papa est le premier. Il allume la télé, met une cassette dans le magnétoscope et quitte la pièce. Il n’y reviendra qu’après le match. Nous sommes dix-huit, entassés dans le salon. Les fenêtres sont grandes ouvertes parce que la chaleur est étouffante. La poupée vaudou est en bonne place, martyrisée comme l’a été son homologue « croatienne ». Chacun a son chouchou dans l’équipe. Et puis il y a lui, le joueur d’intérêt collectif. Et c’est lui qui marque une fois puis deux. La famille exulte. Le voisin hurle à la fenêtre en face. Avant cela, nous ignorions la tête qu’avait ce voisin. Maman, bonne champenoise sort une bouteille à sabrer. Tonton F s’insurge : « rappelle-toi 1982 ! » et il séquestre la bouteille sous sa chaise. Jusqu’à la fin. Le troisième but et le coup de sifflet final. C’est fait. Le jour est inscrit dans les mémoires à jamais. On a tremblé, on a crié, on a pleuré mais surtout on a aimé.
Les images de ce mois magique encore plein la tête ; la larme à l’œil aussi il faut l’avouer, parce qu’on n’a pas une telle génération à chaque compétition et que rien n’a égalé encore ce jour dans la mémoire collective ; moi, j’ai juste envie de dire :

MERCI

jeudi 10 juillet 2008

La splendeur de l’administration française

Attention chers lecteurs, je sais bien que c’est inutile mais néanmoins, je tiens à vous rappeler que tout ce qui est raconté dans ce blog est entièrement vrai, vécu et très peu exagéré.

J’aime les fonctionnaires. Je veux être fonctionnaire. On a tous besoin des fonctionnaires pour que le pays fonctionne correctement. Non vraiment, j’aime les fonctionnaires. Mais des fois, je me dis que, putain, on n’est pas aidés dans ce pays ! Je m’explique.
Dans une semaine, je vous quitte chers lecteurs. Pas de panique, je vais revenir. Je m’en vais seulement deux semaines gagner un petit pécule. Je vais encadrer une colonie pour quinze jours. Je crois vous en avoir déjà touché deux mots. Je travaille avec un organisme appartenant à une entreprise du service public qui produit en grande quantité de la lumière et du chauffage pour vos maisons. De l’électricité aussi pour pouvoir brancher votre ordinateur et me lire, toujours avec autant de plaisir j’espère. Mercredi donc, bye-bye la grisaille et vive l’océan Atlantique. Je m’en vais surveiller, animer, soigner une bande de mômes, fils et filles de cette même entreprise publique. J’ai donc à faire avec des fonctionnaires pour régler les derniers détails de mon départ. Normalement, fin juin, j’aurai dû recevoir un petit livret de mon directeur contenant un tas d’informations très précieuses sur le séjour. Accessoirement, le nom de la gare où je dois arriver en train. Vous avez noté la subtilité de ma phrase, contenue à elle seule dans la conjugaison du verbe : je ne l’ai toujours pas. Mardi dernier, j’ai donc appelé un responsable de l’organisme pour obtenir cette info car comment réserver un billet de train quand on ne sait pas où l’on va ? La première personne que j’ai eue m’a dit qu’il n’était pas dans ses compétences de me donner cette information. Elle m’a donc aiguillée vers un autre numéro à appeler, me donnant même le nom de la personne à demander. Je raccroche et compose le nouveau numéro, demande madame Machin. « Ah non, me dit-on, ce n’est pas madame Machin ! Ce n’est pas son poste, attendez, je vous donne le numéro. » Numéro obtenu, je re-raccroche et compose le numéro de madame Machin (sachez au passage chers lecteurs que tous ces numéros ont exactement le même commencement, seuls les 3 derniers chiffres changent, pas conséquent, toutes ces personnes sont dans les mêmes locaux et peuvent très bien faire des transferts d’appels…:/ ) J’obtiens enfin madame Machin qui m’expédie pour cause de réunion téléphonique mais promet de me rappeler tudsuite après. La journée passe et mon portable reste désespérément silencieux. Le lendemain, la personne m’a rappelée… à 8h22 le matin ! Qui a dit qu’on ne bossait pas chez les fonctionnaires ?! Tête dans le cul, je décroche et note l’itinéraire à suivre : tgv + ter + bus de cambrousse.
Je fais donc appel à une deuxième entreprise publique, celle qui a des passages à niveau très dangereux partout, pour prendre mes billets de trains. Je vais sur son site internet, remplis tout bien le petit cadre pour un aller-retour. Bon, c’est pas tellement le fait qu’il ne veuille me donner qu’un aller simple qui m’a énervée… Non c’est plutôt le fait que le site refuse que je poursuive ma commande en cliquant sur le trajet voulu comme il me l’indiquait. Je suis zen et décontractée, je respire la sagesse et l’ingéniosité. Je retourne me coucher ! Deux heures plus tard, mon quota de sommeil atteint, j’avise Chou sur le fait que je dois aller dans une gare pour acheter mes billets parce que leur 8\/ !µ*% de site ne fonctionne pas. Chou a d’autres choses à faire que de m’indiquer la gare de chez lui, j’ai dû attendre ce matin pour y aller. Ce matin, aux aurores, je m’en vais donc à la gare la plus proche de ma maison prendre mes billets de train de main à main avec le guichetier. Je demande ma destination finale mais le monsieur me dit que non, ça n’existe pas. Comment donc ? La sncf vend sur internet des billets pour un service de bus de cambrousse qu’elle ne gère pas. Je demande donc les billets jusqu’au ter, tant pis, je me débrouillerai sur place pour avoir un billet de bus, le jour même, un petit coup de stress ça ne tue personne. Le monsieur me donne mes billets et je termine mes courses du matin dans l’entreprise publique que je préfère : la poste !
J’aime bien les fonctionnaires de la poste. Ils sont cool. Pas stressés pour deux sous eux. Faut dire aussi que le facteur qui remplace ma factrice habituelle pendant ses vacances est un illettré notoire. Si si, j’vous jure ! Il ne sait pas faire la différence entre rue et résidence. Il n’a pas compris non plus que le nom sur la boîte aux lettres doit normalement correspondre au destinataire du courrier. J’entre dans la salle d’attente (oui y’a plus de gens qui y attendent que de gens servis, je vois pas pourquoi on l’appellerait autrement !) et j’attends. Viens mon tour. Je donne le papier du colis que je dois récupérer pour Maman où j’ai imité sa signature pour m’autorisé à aller le chercher (Maman étant en vacances). D’habitude ils te font tout une comédie parce qu’il faut que tu viennes avec la pièce d’identité du destinataire et la tienne, là j’avais le passeport, mais non, la guichetière elle s’en fichait. Et pour cause ! Mon illettré de facteur remplaçant est en plus de ça un abruti fini à l’urine et un retardataire récurent. Donc quand il te laisse l’avis de passage, il te prescrit d’aller chercher ton colis à partir du lendemain 10h mais lui ne livre que très tard dans la matinée et de fait les colis ne sont retirables que le surlendemain. Normal quoi. Ravie d’avoir fait la queue pour rien et de devoir la refaire le lendemain.
Bref, ce que je préfère dans tout ça, c’est quand je rentre à la maison et que je retire mes chaussures. Tranquille. Je repense à l’entreprise qui gère ma colo qui n’a pas assez de bras pour coller un timbre sur une enveloppe à temps et me fournir le projet du directeur ; je songe à la maintenance déplorable du site internet de la société des trains en retard ; je médite sur la capacité du facteur à noter le bon jour pour retirer le colis raté sur l’avis de passage qu’il laisse parfois sans même sonner dans ma boîte aux lettres… Et la radio m’annonce que le pays a trop de fonctionnaires, qu’on va encore supprimer des postes de profs gauchistes, de membres de l’administration champions du mikado. Mais une nouvelle question me taraude : il vit où Nabot ? Non parce que des histoires comme celles que je viens de conter, on en a tous vécu. Pas lui ? Pourquoi qu’il dit qu’il y a trop de fonctionnaires alors que visiblement, tout le reste de la France en manque ? Moi je dirai qu’il y en a juste un de trop. A vous de deviner lequel ^^